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MAROC SENEGAL EN STRIDA VIA LE SAHARA PAR REGIS FENDER 09

Quand l’aventure est une passion … poétique

Cinq semaines début 2009

Le Lorrain Régis Fender (35 ans) aime partager les découvertes insolites qu’il provoque. D’où cet étonnant reportage d’une traversée cycliste du Sahara, avec ses photos et son commentaire parfois décalé.

00) Ecrivain voyageur passionné, Régis ne cesse de voyager en Europe, en Amérique Latine et en Afrique, à pieds, à vélo, en pirogue. Auteur de quatre livres, il pratique également la photographie et participe à la vie de l’association humanitaire FILI (www.fili.over-blog.fr), dont il est l’un des membres fondateurs.

Il propose de partager son équipée en solitaire de cinq semaines, au guidon d’un Strida (vélo pliable à une seule vitesse, d’habitude réservé à la ville !), qui l’a mené du Haut-Atlas marocain aux rives du fleuve Sénégal en passant par le Sahara (1500 kilomètres de désert et de vents de sable), avec des étapes moyennes de 160 kilomètres pour 10 heures de route.

Place à ses photos commentées par lui-même.



1. L’exaltation du départ n’existe pas, seule l’excitation perce, par instants, le mur de tristesse.

À nouveau, quitter son enfant. À nouveau, laisser sa compagne.

S’exposer une nouvelle fois, se frotter au monde, plonger son cœur dans l’eau vive du voyage, s’offrir aux heures … mourir.

2. Déjà, le ciel gris et épais, si épais qu’on aimerait le goûter, dégringole à quelques mètres des têtes quand j’enfourche le vélo pour les premiers 100 kilomètres.



3. De temps à autre, un rire effaré s’envole du bas-côté et c’est une horde d’enfants qui pouffent en apercevant un bien curieux vélo glissant sur le bitume.

4. Sur le velours des steppes et des monts, il me faut souvent mettre pied à terre et pousser le vélo.

Moments idéals pendant lesquels se reposent les fesses et s’éveille la liesse.

Celle de gratter du regard les reliefs environnants et celle, primordiale, d’être là, tout simplement.



5. Dans le puits surréel des couleurs, chaudes et profondes à cette altitude, s’effondre le temps et se noie la conscience.

Mon frère, le nuage, se gratte la panse sur l’incarnat des collines et son ample contentement fait frémir la terre.

Mon père, le vent, gronde le blé insouciant et son râle harmonieux dore la face des champs.

Quant à ma mère, l’univers, mon cœur bat sa pulsation … et j’avance, j’avance hors du temps.

6. Les montagnes s’ouvrent avec paresse, et dans l’humidité coupante du matin débute une ascension de plusieurs kilomètres.

A l’Est, une chevauchée de mamelons.

A l’Ouest, l’océan, que le déhanchement de la piste ne cesse d’envoyer valdinguer.



7. Les seuls panneaux que je rencontre au détour des pistes me troublent, plutôt qu’ils ne me rassurent.

Dois-je continuer sur la caillasse et le sable ? Dois-je retrouver l’asphalte ?

8. Et tandis que la terre se cabre en reliefs épatants, l’histoire sanglante de l’Afrique me revient en mémoire.

Voici Samori Touré, héroïque, mais sanguinaire, qui, au XIXème siècle, lutta contre la pénétration française.

Ici, c’est Lat Dior, damel du Cayor, qui s’aliéna le soutien des nobles, ou Ceddo, en se convertissant à l’Islam, et mourut avec 78 partisans.



9. Les pêcheurs, isolés ou en groupe, frangent le littoral océanique de leur gaule.

Amateurs de thé, le soleil ricoche dans leurs yeux tandis qu’ils le culbutent dans les verres et les verres dans le gosier, non sans prendre garde, toutefois, de laisser entrer un filet d’air entre les lèvres et le verre.

10. A peine le jour a-t-il fissuré la nuit, que je replie le campement, impatient de fendre le massif montagneux qui me fait face.

Son torse minéral nargue mon œil animal pendant que j’adapte ma tenue aux exigences du climat … recouvrement intégral !



11. Et c’est la vie, profonde et soudaine, qui dévale le long des pistes et vous emporte avec passion !

12. L’océan semble ne pas pouvoir digérer tant sa panse écumeuse se tord avec fracas, avant de rejeter pierres et galets.

Son râle, cependant, ne suffit pas à me dissuader. Je roule des heures durant sur son torse sableux.



13. Egaré sur les pistes des plateaux marocains constellés de campements nomades, le chapelet des puits devient ma ligne de vie.

14. Entrainé par le courant des pistes, fourbu, j’échoue, à la tombée de la nuit, sur des endroits surréels.

Des cabanes vidées de leurs occupants, des tentes nomades, des orangeraies, …, le plus souvent, sur les lèvres de l’océan.



15. Sur les plus longues étapes, il me faut mendier de l’eau auprès du peu de véhicules qui croisent ma route.

16. Les arganiers le plus souvent, et les bergères quelquefois, dressent leur silhouette magistrale entre les touffes d’herbes,

tandis que des constructions sommaires, le plus souvent des cabanes ou des boutiques, frangent le bord de la route.



17. Quelquefois, cependant, le paysage m’avale.

Alors, je reste là, pantois, la tête comme un épi de blé, le cœur, écrabouillé.

18. La singulière géométrie de la bicyclette, et sa courroie en place de chaîne, constitue une énigme pour les Marocains qui, au moindre arrêt, s’attroupent autour d’elle et en commentent les spécificités.



19. Dans la partie marocaine du Sahara la présence humaine est discrète.

Il m’arrive cependant de partager le lait caillé, réservé dans une calebasse, avec des femmes nomades tandis que le patriarche, à la barbe séculaire, s’incline pieusement sur un antique Coran.

21. Alors que le crépuscule s’annonce, un vieux nomade me prend pour un esprit malfaisant et me chasse, apeuré, de sa canne menaçante.

Il se ravise quelque peu, après que je lui aie adressé les salutations d’usage.

Je m’éloigne quand même de la piste et dresse le campement pour la nuit.



22. L’averse de salutations, qui accompagne ma progression, verdit inlassablement la peine que je pourrais éprouver à franchir, montagnes, plaines et plateaux.

C’est un pouce levé, un bras tendu, un poing serré, un coup de klaxon.

Un rire complice, un mot lâché, un geste avenant.

23. Souvent misérables, les campements de pêcheurs constellent les rives de l’océan.

Dans l’un d’entre eux, et après qu’une meute de chiens errants m’ait poursuivi, Ayad 70 ans, m’accueille avec ces mots :

« Il y a les chiens à quatre pattes et les chiens à deux pattes. Méfie-toi des chiens à deux pattes, ils sont bien plus féroces ! ».



24. J’échouai, ce 19 avril 2009, dans la riche demeure d’un membre de la famille royale, AL ALAOUI.

Bien que j’y reçus tous les égards, les haltes sur les bords de la nationale, où le sable se mêle au pain et l’eau « bout » dans la gourde, n’en demeurent pas moins d’authentiques moments exaltations.

25. Au passage du tropique, point de contrôle !

L’armée et la gendarmerie règlementeront cependant l’accès et la sortie de chaque ville à partir de Laayoune.



26. Les reliefs, gencives sans chicots, se sont aplanis pour laisser la place aux dunes et aux mines, vestiges du récent conflit mauritano-sahraoui.

27. Aire d’incertitude que cette bande de terre jonchée de carcasses et de mines qui marque la frontière entre le Maroc et la Mauritanie.

Les pieds s’y enfoncent comme dans de la neige fraîchement tombée, et les Marocains me mettent en garde contre les dangers qui m’y attendent.



28. C’est alors que surgissent les fantasmes, créatures saugrenues tapies dans le fourré des envies, qui enflent à mesure que l’on progresse.

Nouadhibou n’est plus une ville étape, mais le havre vers lequel tous les muscles se tendent.

La pierre philosophale ! Le graal !

29. Qu’il est bon de lire dans les visages le reflet de l’instant !

Compatissants, lorsque l’épreuve et la fatigue cisèlent ma face.

Joyeux et généreux, lorsque le contentement y transparaît.



30. Plusieurs troupeaux de dromadaires se sont emballés, cet après-midi, alors que je les dépassais.

Affolés, ils fuyaient en désordre avant qu’un petit berger les rabroue et m’enjoigne d’ôter l’objet du trouble … ma casquette orange !

31. En Mauritanie se conjuguent la poésie la plus singulière et les éléments les plus impitoyables...



32. La violence des vents de sable est telle, qu’ils me balayent et me projettent littéralement dans l’écume de sable que dépose le désert sur les bords de la chaussée.

33. Lorsqu’après des heures de route, les vents de sable, féroces et impitoyables, s’apaisent, je deviens la fleur saumâtre, fort odorante, que des nuées de mouches butinent avec acharnement.



34. Rosso est réputée la frontière la plus corrompue d’Afrique de l’Ouest !

J’esquive une tentative de corruption, plus quelques arnaques du côté mauritanien, mais n’en rencontre pas du côté sénégalais.

Les ressortissants africains, cependant, glissent un billet de 2000 francs Cfa (3 euros) avec leur papier d’identité !

35. Malgré la soif, les vents de sable contraires, les morsures du soleil, la fatigue, les crevaisons, les innombrables changements de pneus (7 au total !), les tentatives de vols et de corruption, etc.,

j’arrive au Sénégal, enthousiaste et exalté.



36. Après le Sahara, le Sahel et ses villages peuls qui bordent la chaussée.

Après le sable, la poussière ocre sur laquelle se détachent acacias et autres épineux.

37. A la tombée de la nuit, alors que je dépasse le village de Bari Diam au Sénégal, un homme cheminant sur le bord de la route m’interpelle :

« Où vas-tu comme ça ? Il faut venir dormir chez moi ! ».

Moussa Diao m’ouvre sa demeure et m’offre, hospitalité et simplicité.



38. Brûlé par le sel et le soleil, fondant sous les assauts du temps, le pont Faidherbe Desquame.

Son corps en lambeaux laisse apparaître, çà et là, les eaux tumultueuses du fleuve Sénégal, majestueux et puissant.

39. Voici donc Saint Louis du Sénégal que je retrouve après six années d'abstinence.

Qu'il est bon de loger à nouveau son cœur et son esprit dans les sables accorts de la langue de Barbarie.



40. Le temps est à la jouissance et à la récupération.

Des heures durant je reste assis à contempler la procession des pirogues qui partent en mer, en proie à l’embrasement.

J’exulte !

41. Le périple à vélo s'achève donc ici, à Saint Louis sur la langue de Barbarie, après avoir rallié, sans assistance, en un peu moins de cinq semaines, Marrakech à Saint Louis du Sénégal.

Soit 3000 kilomètres en solitaire au guidon d’un vélo pliable à une seule vitesse.

J'ai beaucoup aimé ...




Dans l’attente d’une prochaine aventure : à la rencontre des « petits métiers » en Afrique de l’Ouest.

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